René Maria

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Les huit récits, pour la plupart inédits en fran- çais, qui forment ce recueil sont des nouvelles de jeunesse, écrites entre 1895 et 1898. C’est la période où Rilke passe le baccalauréat et va quitter Prague pour se lancer dans de nombreux voyages à travers l’Europe. Entre réalisme des descriptions et impressionnisme des senti- ments, elles annoncent le jeune poète. Cette période d’effervescence intellectuelle est aussi une période d’effervescence affective. C’est le moment où il fait la connaissance de Lou Andreas-Salomé, de quatorze ans son aînée, celle qui devient son amante et sa muse, celle qui le modèle jusqu’à lui faire changer son prénom de René Maria en Rainer Maria.

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Collection dirigée par Lidia Breda

rainer maria rilke aux éditions rivages Élégies de Duino

Poupées

Mitsou (avec Balthus)

Est- ce que tu m’aimes encore ? Correspondance (avec Marina Tsétaïeva)

Journal de Westerwede et de Paris, 1902 Lettres de Paris, 1902-1910

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Rainer Maria Rilke

Printemps enchanté

Récits

et nouvelles de jeunesse

Traduit de l’allemand et préfacé par Pierre Deshusses

Rivages poche Petite Bibliothèque

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Retrouvez l’ensemble des parutions des Éditions Payot  &  Rivages sur

payot- rivages.fr

Couverture  : Le jardin à Bougival, 1884, Berthe Morisot (détail) ©  Bridgeman Images.

©  Éditions Payot  &  Rivages, Paris, 2022 pour la traduction française et la préface

ISBN  : 978-2-7436-5599-0

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Préface

Les récits de jeunesse de Rilke (1875-1926) comptent certainement parmi les œuvres les moins connues de cet auteur. S’ils sont tous publiés en Allemagne sous forme de livre1 ou de textes librement accessibles en ligne, il n’en est pas de même en France où les traductions de textes écrits durant cette période sont très lacunaires. Si les poèmes de cette époque sont plus faciles à trouver, c’est certainement qu’ils bénéficient du fait que l’auteur est surtout consi- déré comme un poète. Quand on regarde les biographies françaises de Rilke, on s’aperçoit en effet que ses récits de jeunesse ne sont prati- quement jamais mentionnés. En revanche, on parle de ses premières poésies : Leben und Lieder (Vie et chansons), composées entre 1891 et 1893 ;

1. Aux Éditions Insel à Leipzig dès 1928, plusieurs fois réédités depuis.

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Traumgekrönt (Couronné de rêves) écrites en 1894 et publiées en 1896 ; Larenopfer (Offrande aux Lares) écrites en 1895 et publiées en 1896. Pourtant son œuvre en prose, si nous y incluons la cor- respondance considérée par l’auteur lui- même comme une œuvre propre et n’ayant rien de secondaire, est immensément plus importante en volume. Quant à son œuvre romanesque, bien que réduite, elle a une dimension capitale juste- ment rappelée par Bernard Lortholary1.

Sans vouloir inverser la tendance qui revien- drait à vouloir considérer Rilke comme un pro- sateur, nous nous proposons seulement ici de faire découvrir, de traduire ou de retraduire (si la première traduction est ancienne, ce qui veut dire, dans le cas présent, si elle a plus de cin- quante ans) huit récits composés entre 1894 et  1898. Pour situer cette période dans une perspective historique en recourant à une com- paraison à la fois sociale, politique et culturelle

1. Bernard Lortholary commence ainsi son article sur Les Carnets de Malte Laurids Brigge publié dans le Maga- zine littéraire de mars  1993 : « Lorsqu’on cite les grandes œuvres romanesques qui auront marqué le xxe  siècle, on omet généralement Rilke et Les Carnets de Malte Laurids Brigge. » Et l’article est intitulé d’une façon qui ne laisse aucune ambiguïté sur l’importance de l’œuvre : Le premier roman de notre siècle.

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avec la France, on peut dire que cela correspond exactement au moment de l’affaire Dreyfus qui a commencé en 1894 et a entraîné le fameux J’accuse… !, de Zola, en 1898. Entre ces deux dates, on peut citer sur le plan littéraire la pre- mière représentation de la pièce d’Alfred Jarry, Ubu roi, en 1896, et sur le plan pictural les Nym- phéas de Monet (1897-1898) qui marque l’épa- nouissement de l’impressionnisme. Cette école picturale a d’ailleurs son pendant dans la littéra- ture européenne avec l’Autrichien Peter Alten- berg (1859-1919), mais aussi dans une certaine mesure avec Proust et surtout Octave Mirbeau – et elle a fortement marqué le jeune Rilke. Issu du symbolisme, poétique nouvelle que Mal- larmé définissait ainsi : « Peindre, non la chose, mais l’effet qu’elle produit », l’impressionnisme associe contemplation de la nature et sentiment intérieur. La tendance à la subjectivité y est pre- mière, ne laissant apparaître que ce que perçoit le narrateur ou le personnage, sans que soit don- née la moindre assurance sur la réalité de ce qui est présenté. L’existence est toujours réfractée à travers le miroir formant et déformant d’une conscience, et ce que nous découvrons au fil de la lecture, ce ne sont que des impressions, souvent floues et éphémères, susceptibles de se modifier en fonction des états d’âme du narrateur ou des

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personnages. L’auteur n’impose rien, car rien ne s’impose encore véritablement à lui. Il rejoint en cela des préoccupations anciennes en religion et en philosophie, comme celles de saint Jean Damascène qui se demandait, dès le viiie siècle, comment il était possible de « représenter ce qui n’a ni quantité, ni grandeur, ni limites ».

C’est alors au lecteur qu’il revient d’interpréter les indices qui lui sont fournis. Et c’est bien là l’une des caractéristiques principales de ces récits dont la délicatesse ne détoure souvent même pas ce que l’on entend généralement par une fin – d’où cette impression de rêve qui se dégage de ces récits qui peuvent parfois paraître inaboutis.

Le lecteur peut en effet se trouver désemparé par le choix d’interprétations qui lui est laissé, mais cette absence de contrainte cisèle au fil des textes une vraie volonté artistique, comme si la poésie venait féconder la prose. Cette forme de récit à mi- chemin entre le poème en prose et la nouvelle pourrait d’ailleurs être l’une des définitions du mot « esquisse » plusieurs fois associé au titre d’une nouvelle, comme c’est le cas pour Un carac- tère, Dans le petit jardin et Printemps enchanté.

Le premier récit dans l’ordre chronologique date d’avant juillet  1894. Rilke a alors dix- neuf ans. Intitulé « Pierre Dumont », il évoque la journée d’un très jeune élève d’une école

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militaire, qui doit prendre congé de sa mère qui l’a accompagné jusqu’à l’internat. L’allusion autobiographique est évidente quand on sait que Rilke a passé plusieurs années dans ce genre d’institution, notamment dans la ville autri- chienne de Sankt Pölten entre 1886 et  1890, avant d’être envoyé à l’École militaire supé- rieure de Mährisch- Weisskirchen, en Moravie, qui sera aussi évoquée dans Les Désarrois de l’élève Törless (1906) de Robert Musil et la Marche de Radetzky (1932) de Joseph Roth. Rilke en a tel- lement souffert qu’il a décrit ces années comme un « abécédaire de l’épouvante ». Mais l’analo- gie s’arrête là, car la mère de Pierre Dumont est attentive et aimante, alors que Rilke a entretenu une relation conflictuelle avec sa mère à qui il reprochait de l’étouffer. Ce n’est pas un hasard si les premiers récits de Rilke ont été interprétés comme une tentative de s’affranchir des malheurs de sa jeunesse en les transfigurant en œuvre d’art.

C’est peut- être le signe que ces récits sont une façon de corriger la réalité pour se débarrasser de ses côtés les plus pesants et acquérir ainsi la liberté nécessaire à l’écriture. En ce sens ces récits sont la base à la fois littéraire mais aussi affective de sa production autant poétique que narrative et leur importance est capitale.

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